Interview d’Anne Salathé, psychologue clinicienne du travail, par Sophie Herrault – coach en motivation et intelligence émotionnelle et romancière (www.livre.sophieherrault.fr)

Sa démarche : Accompagner votre santé et votre satisfaction au travail pour favoriser votre efficacité professionnelle et quand cela est possible, celle du contexte de travail.


1. Présentation de Anne Salathé

Sophie Herrault : Bonjour à tous ! Anne Salathé est psychologue et formatrice en santé et satisfaction au travail. Elle est spécialisée en Psychopathologie du travail et Communication interculturelle. Elle traite les aspects de la personne au travail selon 3 axes : la personne, l’activité et le collectif.

2. Quel est le périmètre des risques psychosociaux ?

Définition des risques psychosociaux (RPS)

Anne Salathé : Les risques psychosociaux (RPS) sont définis comme un risque pour la santé physique et mentale des travailleurs. Cela concerne autant les acteurs sur le terrain que la ligne hiérarchique d’encadrement et la direction. Les risques psychosociaux présentent la caractéristique telle que lorsqu’une personne est ‘touchée’, il a y des fortes probabilités que d’autres personnes du collectif le soient à plus ou moins longue échéance. Les personnes jouent alors le rôle de ‘sentinelle’. Quand les RPS se manifestent, la tendance est de rechercher des personnes comme causes et non le contexte de travail. En réalité, les RPS se situent souvent à la jonction entre l’individu et sa situation de travail.

Ce que les risques psychosociaux englobent

D’une façon générale, dans la littérature, les RPS désignent :

  • le stress provenant du sentiment de ne pas atteindre les exigences ou les attentes demandées ;
  • les violences internes commises par des travailleurs : conflits majeurs, harcèlement moral ou sexuel ;
  • les violences externes, exercées par des personnes extérieures à l’entreprise à l’encontre des salariés ;
  • le syndrome d’épuisement professionnel ;
  • les addictions.

Ces risques psychosociaux peuvent être combinés et interagir les uns avec les autres. Par exemple, une situation de violence interne et du stress chez un salarié peuvent engendrer d’autres tensions avec le reste de l’équipe provoquant un stress généralisé dans l’entreprise.

Ce qui n’est pas inclus dans les risques psychosociaux

Les RPS ne désignent pas :

  • les difficultés d’ordre personnel sans lien avec le travail,
  • la pénibilité et les difficultés inhérentes à l’activité quand elles sont prises en compte dans l’organisation,
  • le fait de diriger, de donner des directives et de rappeler les exigences professionnelles, la référence au règlement intérieur, les rappels à l’ordre ou les sanctions quand tout cela est justifié, proportionné et respectueux de chacun et de la loi.

Les facteurs de risque

Parmi les principaux facteurs de risque, on distingue :

  • les exigences au travail,
  • les exigences émotionnelles,
  • le manque d’autonomie et de marges de manœuvre,
  • les mauvais rapports sociaux et relations de travail
  • les conflits de valeur et la qualité empêchée
  • l’insécurité de la situation de travail

3. Les conséquences des risques psychosociaux

Les conséquences représentent des atteintes à la santé des personnes :

  • maladies cardio-vasculaires,
  • dépression,
  • anxiété,
  • épuisement professionnel,
  • suicide,
  • etc …

L’accompagnement psychologique montre que les RPS peuvent se manifester sous d’autres formes (turn over, accidents du travail, baisse de la qualité, moindre créativité, demande de reconversion, présentéisme, ennui, augmentation des erreurs, augmentation de la durée des pauses, retards …)

4. Comment prévenir au maximum ces risques en entreprise ?

Anne Salathé : La prévention en entreprise s’inscrit dans l’obligation générale de protection de la santé physique et mentale des travailleurs. On distingue trois niveaux.

RPS : la prévention primaire

La prévention primaire, la plus efficace à long terme, consiste dans des actions en amont des situations à risque. Elles visent à supprimer et à réduire les risques à la source quand cela est possible en agissant à la source sur l’organisation du travail, les styles managériaux et les conditions de travail.

Il s’agit de concevoir des contextes de travail respectant les 9 principes de préventions énoncés à l’article L4121-2-9 du code du travail et adaptés aux situations rencontrées dans l’entreprise :

  • éviter les risques,
  • évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités,
  • combattre les risques à la source
  • réfléchir à l’ergonomie des postes
  • tenir compte de l’état d’évolution de la technique
  • rendre le travail moins dangereux
  • planifier les actions de prévention
  • prendre des mesures de protection collective
  • donner des instructions claires et accessibles

et tenant compte des besoins de l’homme au travail :

  • sentiment d’identité,
  • reconnaissance,
  • autonomie et latitude décisionnelle,
  • accomplissement,
  • justice organisationnelle,
  • possibilité d’apprentissage,
  • respect,
  • soutien social et entraide,
  • fierté,
  • sentiment d’appartenance,
  • traitement des difficultés …

RPS : la prévention secondaire

La prévention secondaire consiste dans des actions visant à réduire les atteintes à la santé des individus ou les conséquences des risques. Cela passe par des actions de formation pour développer ou renforcer les ressources personnelles pour faire face aux situations à risques. Souvent cela se traduit par des formations spécifiques telles que la gestion du stress, la gestion des publics difficiles, la gestion des conflits …

RPS : la prévention tertiaire

La prévention tertiaire consiste à traiter les situations et les personnes lorsque les dommages ont eu lieu pour en limiter les conséquences. Ce sont des actions curatives orientées autour de l’individu et des collectifs de travail : cellule psychologique, intervention du médecin du travail, adaptation des postes de travail une fois l’atteinte constatée …

5. Le document unique d’évaluation des risques : une obligation légale

Depuis le décret du 5 novembre 2001, il est obligatoire de transcrire l’inventaire des risques au niveau de chaque unité de travail à travers le document unique d’évaluation des risques (DUER). Les risques dont les RPS sont identifiés ainsi que leurs fréquences et intensités. Cela permet ainsi de planifier des actions concrètes de prévention et de les mettre en place, d’informer les collaborateurs, les instances et les nouveaux venus des vigilances à adopter. Il est également à la disposition des délégués du personnel, du médecin du travail, des agents de l’inspection du travail et des caisses d’assurance retraite de de la santé au Travail (CARSAST). La révision annuelle facilite l’évaluation de l’efficacité des actions prévues et leur évolution éventuelle.

Si l’entreprise a des effectifs suffisamment importants, le diagnostic peut être élaboré à partir de données quantitatives et qualitatives à partir de questionnaires, d’entretiens, d’observation.

Les entreprises qui le souhaitent peuvent construire des indicateurs de risques psychosociaux adaptés à leur activité à partir des données déjà existantes dans l’entreprise.

6. Quels seraient tes 3 conseils lorsqu’un risque est avéré et qu’il faut agir ?

Anne Salathé : Effectivement, lorsqu’un risque est avéré, il est majeur d’agir car l’expérience montre que les situations ne s’améliorant pas toutes seules, leur dégradation est extrêmement dommageable pour les acteurs concernés et pour l’entreprise elle-même.

L’action envisagée tiendra compte des circonstances et les éléments présentés ici restent assez généraux.

6.1 Travailler de façon concertée avec les parties prenantes

Travailler de façon concertée avec les parties prenantes car la santé au travail rentre dans le périmètre de responsabilité de chacun de ces acteurs : direction, DRH, managers, instances représentatives du personnel, médecine du travail et parfois quand ils sont présents dans l’entreprise : le psychologue du travail, le préventeur, le/la responsable qualité. Aspect moins connu, l’inspecteur du travail représente aussi une personne ressource.

6.2 Faire appel à des professionnels

Faire intervenir une personne extérieure si nécessaire et formée aux enjeux de la santé au travail. Une personne extérieure est en mesure d’intervenir de façon neutre, écouter chacun en respectant la confidentialité des propos tout en identifiant les facteurs de risque. Le cas échéant, elle pourra également réaliser une intervention adaptée de réparation.

6.3 Mettre en place un plan d’action

Établir et mettre en œuvre un plan d’action pour traiter concrètement la situation. Par la suite, évaluer l’action menée et entreprendre des mesures correctives quand cela est possible.

En savoir plus sur Anne Salathé

Sophie Herrault : Peux-tu en dire un peu plus sur ta pratique ?

Anne Salathé : Afin de prévenir les risques psychosociaux, je propose des formations pourtant sur les thèmes de la santé au travail et la reconnaissance au travail.

Ensuite, j’interviens sur site auprès des collectifs en cas de situations de tension, en cas d’évènements traumatiques ou pour animer des séances d’analyse de la pratique.

Je développe également une prestation d’accompagnement du changement respectant les principes de la qualité de vie au travail et le cadre de l’accord national interprofessionnel (ANI) de 2013 intitulé « Vers une politique d’amélioration de la qualité de vie au travail et de l’égalité professionnelle ».

Enfin, je suis en mesure d’accompagner des acteurs de l’entreprise de façon individuelle à mon cabinet ou sur site.

Sophie Herrault : Comment peut-on te contacter ?

Anne Salathé : Ce sera avec plaisir que je vous recevrai et étudierai votre situation. Basée à Nantes, je me déplace en fonction des interventions. Voici mes coordonnées :

Sophie Herrault : Un grand merci, Anne, pour tes réponses.

Anne Salathé : Merci à toi de ton invitation

Sources : INRS, ARACT, Santétravail FP, le ministère du travail, Assurance Maladie, Souffrance et travail du CNAM de Paris

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