Pourquoi (nous) jugeons nous ?

Le fait de (se) juger est inhérent chez l’homme. Nous reproduisons depuis l’enfance les comportements des adultes.

L’importance du collectif

Depuis très longtemps, la notion de bien et de mal est intégrée dans notre culture et nos civilisations. Nous avons dû apprendre à faire la part des choses entre ce qui était autorisé pour le bénéfice de tous et ce qui était interdit car néfaste pour la collectivité. En dehors des sanctions « religieuses » (morale), il s’agissait surtout de pouvoir être intégré au sein de la communauté pour pouvoir (sur)vivre et donc de penser comme le groupe auquel nous appartenons. Le fait de se demander « Qu’est-ce qu’on va penser de moi ? » est une anticipation sur les risques et conséquences de ce que nous allons faire et qui sera désapprouvé par le collectif. Cela pose la question, suis-je capable d’assumer mes actes ? Cette façon de penser permet aussi de limiter les actes « immoraux ».

Le rôle des émotions

Pourtant, le fait de juger ne nous laisse pas totalement indifférent. Certains tirent une forme de pouvoir à se mettre en valeur en dévalorisant autrui pour se rassurer ou justifier leurs résultats. Ce n’est malheureusement pas en rabaissant l’autre que nous grandissons, bien au contraire (nous parlerons alors de « petitesse » du propos). Car je ne peux pas développer une saine estime de moi si mes qualités dépendent de celles des autres car cette notion devient alors relative, fluctuante et donc instable et incertaine.

D’autres ressentent de la culpabilité quand le jugement exprimé porte préjudice à l’autre. Cette prise de conscience à postériori du mal qui a été fait conduit à porter négatif un jugement sur soi.

Le manque d’amour et la peur

Très souvent, derrière le jugement, le nôtre ou celui des autres, se cache un manque d’amour ou la peur de ne pas être aimés tels que nous sommes. Comment croire que nous sommes aimés inconditionnellement lorsqu’une critique nous est dite ? L’auto-jugement devient alors une façon de se protéger des autres en recherchant en soi la perfection que nous n’atteindrons jamais : se sabrer avant que quelqu’un ne nous porte un coup fatal.

Qu’est-ce que le jugement ?

La définition du Robert

Il est intéressant de lire la définition donnée par Le Robert. Celle-ci est composée de trois propositions qui expliquent ce qui a été énoncé précédemment :

  1. Une décision de justice, autrement dit un verdict énoncé sur la base d’une loi, elle-même édictée par la communauté.
  2. Un droit féodal (jugement de Dieu), élaboré sur l’idée d’un droit divin (et par là-même la notion de bien et de mal)
  3. Une opinion favorable ou défavorable, une façon de voir (les choses) particulière à quelqu’un, autrement dit un préjugé (ce qui est dit avant d’être jugé), un avis, un point de vue, une appréciation. Cette définition est complétée par la « faculté de l’esprit permettant de bien juger les choses qui ne font pas l’objet d’une connaissance immédiate certaine, ni d’une démonstration rigoureuse »

Le jugement selon Olivier Clerc

Selon Olivier Clerc, auteur du livre « J’arrête de (me) juger », le jugement est constitué d’un fait qui est ensuite associé à des émotions que cela suscite en nous et / ou une intention que l’on prête à la personne sans en avoir eu généralement confirmation. « C’est ainsi que, partant d’une observation objective, nos pensées et nos sentiments en tissent une interprétation qui n’a souvent plus grand-chose à voir avec la réalité. »

Une montée est une descente vue d’en bas. « Montée » et « descente » sont les deux noms qu’on donne à une seule et même chose : une pente. C’est le point de vue d’après lequel on regarde qui nous fait choisir l’un ou l’autre de ces termes.

Olivier Clerc

Tout est donc question de point de vue et de perception.

Un éclairage sur nos parts d’ombre selon Jung

Selon Jung, nous avons des zones d’ombre qui correspondent à nos qualités et défauts que nous ne nous reconnaissons pas ou qui nous font peur de part les conséquences qu’elles impliquent. Le jugement, au travers des critiques que nous formulons ou recevons, permet justement de les mettre en lumière. Parce que nous réagissons émotionnellement à ce qui est dit, parce que cela nous touche, c’est qu’il y a quelque chose en nous qui se reconnait.

Dans cette même idée, pour Norbert Chatillon, psychanalyste, « Juger l’autre, c’est porter un jugement sur soi ». Et ne pas voir la poutre dans notre œil et préférer souligner la paille qui est dans celui du voisin est une façon de remettre à plus tard notre propre remise en question.

Comment se débarrasser des jugements que l’on porte sur soi et les autres ?

Il est impossible de ne pas juger. Comme nous l’avons vu, c’est indissociable de notre nature humaine. Mais nous pouvons cependant réduire les effets émotionnels que cela nous renvoie.

Un cadeau mal emballé

Le jugement est avant tout une information sur soi. Il nous oblige à reconnaître et à aimer la personne que nous sommes avec ses qualités et défauts. C’est un premier pas pour accepter notre imperfection.

Voici un exercice de discernement que propose Olivier Clerc et que je vous repartage :

  1. Énoncer clairement les faits (ce qui est observable)
  2. Identifier les émotions que cela génère en vous
  3. Observer la façon dont vos émotions (qui peuvent être différentes d’une personne à une autre) vont agir sur votre façon de percevoir la situation
  4. Identifier quels besoins, attentes ou valeurs sont insatisfaits dans ce contexte.

Différencier l’action de l’être

Ce qui est vrai à un instant donné peut ne plus l’être le jour suivant. L’action est déterminée par le contexte. Même si l’histoire personnelle de chacun influe sur le cours des événements, rappelez-vous que tout le monde fait de son mieux avec ce dont il dispose. En partant de ce postulat et en cherchant à se mettre à la place des autres, il est alors plus facile de faire preuve d’empathie et de limiter la critique.

Il arrive bien plus souvent qu’on ne le pense que les apparences soient trompeuses. C’est ainsi qu’on juge un homme comme n’ayant aucune autorité sur ces enfants qui se chamaillent bruyamment en importunant tout le monde, alors qu’il est noyé dans son chagrin suite à la mort de sa femme…

Travaillez vos croyances en cherchant à voir la situation sous un autre angle. Qu’est-ce qui pourrait expliquer que cette personne se comporte comme elle le fait ? A partir du moment où vous pouvez émettre une explication « bienveillante », vous pouvez considérer que cette dernière a autant de poids que celle que vous avez imaginé en premier lieu.

Et si l’exercice vous parait difficile, pratiquez l’art de bénir (voir article sur ce sujet en cliquant ici). Vous serez dans un tout autre état d’esprit…

L’âme a toujours tendance à juger les autres en fonction de ce qu’elle pense d’elle-même.

Giacomo Leopardi

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