Pourquoi les messages paradoxaux nous affectent-ils autant ?
Avec la crise sanitaire, nous avons dû faire face à de nombreux messages contradictoires de la part des gouvernements et de l’ordre médical. « Restez chez vous (pour ne contaminer personne) » (1) VS « allez voter » (1). « Près de 9000 patients seront en réanimation à la mi-novembre, soit la quasi-totalité des capacités françaises » (2) VS « nous continuons à fermer des lits en réanimation » (dans les faits) (3). « Grâce à la vaccination, la sortie de crise se dessine enfin. C’est ainsi que nous pourrons rebâtir ce chemin d’espoir, celui qui nous permettra de retrouver progressivement une vie normale » (4) VS « les personnes vaccinées peuvent être porteuses du virus et contribuer à sa diffusion // le vaccin ne les empêche pas de transmettre le virus aux tiers » (5)…
Nous rencontrons régulièrement d’autres messages de ce type, que ce soit en entreprise (Gère le dossier Dupont en priorité sinon nous allons avoir des pénalités de retard… et occupe-toi du stagiaire qui vient d’arriver en le formant sur les produits de l’entreprise pour qu’il soit efficace au plus vite) ou encore dans la vie de tous les jours (Fais ce que tu veux mais tiens compte de ce que je te dis sinon tu pourrais le regretter) …
Notre cerveau n’est pas programmé pour gérer les demandes et informations contradictoires. Nous sommes désorientés et troublés. Cela crée des tensions individuelles et collectives au niveau émotionnel et relationnel. Et cela peut parfois même nous conduire à des situations de schizophrénie (pour répondre aux différentes injonctions, nous devenons autant de « personnalités » différentes).
Qu’est-ce qu’un message paradoxal ?
Quelques exemples
« Ne lisez pas ceci ! » ou « Ne fais pas ce que je te dis ! » sont de bons exemples de ce type de message (6). Une expression résume bien ce concept : vouloir le beurre et l’argent du beurre.
Un message paradoxal est une information qui vient en contredire une autre alors que cette dernière reste toujours valable :
- soit parce qu’elle est incluse dans un même discours,
- ou elle est donnée par différentes autorités simultanément et à qui nous donnons un crédit équivalent,
- ou encore parce que les discours verbaux, paraverbaux (ton de voix…) et non verbaux (gestuelle…) donnent des informations contradictoires,
- soit enfin quand on constate un écart entre le discours et les faits.
Le paradoxe du message
Bien souvent, le problème vient du fait qu’on nous autorise (voire oblige) d’un côté ce qui est interdit de l’autre. En obéissant à l’un, on désobéit à l’autre, si bien qu’il est impossible de bien faire. C’est un dilemme appelé également paradoxe. Et cela s’accompagne d’une sanction réelle, imaginaire ou créant un conflit de valeurs.
Le second cas de figure est celui où le fait de croire à la première information nous empêche de croire à la seconde et inversement, ce qui nous pousse à nous questionner sur ce qui est la Réalité et la Vérité. C’est une véritable perte de repères qui s’opère.
Un sentiment d’être pris au piège
Tous ces messages nous mettent dans une situation difficilement tenable car notre cerveau réclame de la cohérence dans les informations reçues. Cela génère des sentiments très complexes, notamment le sentiment d’être pris au piège. Cela entraîne des situations de stress et de souffrance lorsque cela se produit en entreprise. Dans un cadre privé, ce sont souvent des contextes créés par les pervers narcissiques pour mieux contrôler leur victime.
Le blog Stopmanipulation donne la définition suivante que je trouve intéressante (7) : « Double message sous forme d’impasse insoluble parce que les deux termes sont indissociables tout en étant en opposition (ou à minima en contradiction). Les demandes, propos, exigences contradictoires visent à affaiblir l’autre pour mieux le contraindre, jusqu’à la dépersonnalisation. Celui à qui sont envoyés ces doubles discours ne sait comment agir ni quoi dire, sans être sanctionné pour avoir eu forcément tort dans son interprétation ou pour n’avoir pas su discerner. L’interlocuteur, fortement insécurisé, se trouve pris au piège. Si le contexte aberrant perdure, si ces messages contraignants se multiplient, il y a traumatisme et le cerveau développe une stratégie pour assurer sa survie. »
C’est ainsi que le cerveau est mis à mal par une sorte de brouillage mental qui génère une grande fatigue cérébrale.
Comment procéder face à des informations paradoxales ?
Quand on ne peut plus rien faire, que peut-on faire ?
Culture japonaise zen
Prendre de la hauteur
Une des premières choses à faire est de prendre de la hauteur sur la situation. Si besoin, allez chercher d’autres sources d’informations pour confirmer ou infirmer l’un des deux messages reçus. Méfiez-vous cependant, car nous sommes programmés pour rechercher les informations qui valident ce que nous voulons croire et invalident ce que nous ne voulons pas croire (autrement dit, quoi que vous croyiez, vous en trouverez la confirmation dans les faits – 8). Posez-vous la question « Quel est l’objectif ultime qui se cache derrière ce paradoxe ? » (9)
Clarifier la demande
La seconde étape consiste à faire en sorte que l’autre exprime ses intentions de façon claire et explicite. Faites préciser la demande quand elle est floue et questionnez les critères qui permettront réellement de satisfaire l’interlocuteur. « Qu’est-ce qui est prioritaire ? Que veux-tu vraiment ? » Il s’agit là de mettre la personne devant ses propres contradictions et de lui rendre sa part de responsabilité pour clarifier les règles du jeu et les résultats attendus compte tenu du contexte, du temps, des moyens, ainsi que les sanctions « réelles » qui s’appliqueront…
Confronter les protagonistes
Parfois il suffit simplement de réunir les personnes dont les messages se contredisent (notre manager et notre N+2 par exemple) et de leur demander de se positionner clairement sur leur demande, s’ils souhaitent que vous agissiez.
Méta-communiquer
Sortez du discours pour aborder le problème sous l’angle de la forme. Replacez le débat non plus sur le fond mais sur la façon de communiquer dessus. Cela va être utile lorsque les informations entre verbal et non verbal sont en opposition. La communication non violente facilite ce type d’échanges afin de trouver une solution notamment au conflit émotionnel qui vous anime dans ce cadre.
Transformer l’injonction double en simple contradiction
Face à deux actions totalement opposées nous devons choisir celle à laquelle nous donnons le plus de poids tout en sachant que nous sommes en porte-à-faux avec le fait de ne pas respecter l’autre consigne. L’objectif est alors de faire un choix assumé ou de fixer soi-même ce qui nous parait acceptable comme critères (quantité vs qualité). La vraie question dans ce cadre est comment minimiser le prix à payer et à en accepter consciemment les conséquences.
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Changer de croyance
Le paradoxe est parfois lié à de fausses croyances ou à des croyances limitantes. En changeant sa façon de penser, ce qui était totalement paradoxal peut retrouver une forme de cohérence. Rappelez-vous cette période charnière où vos parents vous disaient que le père Noël existait alors que vos camarades et votre maîtresse de classe vous démontraient le contraire… Posez-vous les questions : « pourquoi suis-je obligé d’obéir ? Pourquoi dois-je croire cela ? »
A l’impossible, nul n’est tenu
En dernier recours, acter qu’il n’est pas possible de réussir. Je vous livre ici une anecdote. Un de mes clients m’appelle le lundi midi en me demandant de lui faire une extraction de données urgente. Quand je lui demande quel délai serait acceptable pour traiter sa demande, il me répond « pour hier » Ce à quoi je lui dis que je ne suis pas Dieu, et que ne pouvant satisfaire sa demande, je clôture le ticket d’appel. Finalement, la demande « urgente » pouvait attendre la fin de la semaine, un délai bien plus conséquent que ce que laissait entendre la première formulation…
Ce qui te manque, cherche-le dans ce que tu as.
Culture japonaise zen
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Autres sujets en lien avec l’article :
- Cerveau et négation : le cerveau ne comprend pas la négation
- Pratiquez la Communication Non Violente
Sources :
(1) Allocution d’Emmanuel Macron, le 12 mars 2020 (https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2020/03/12/adresse-aux-francais)
(2) Allocution d’Emmanuel Macron, le 28 mars 2020 (https://www.vie-publique.fr/discours/276951-emmanuel-macron-28102020-covid-19)
(3) https://www.senat.fr/questions/base/2020/qSEQ200415367.html Fermeture de lits d’hôpitaux et lits de réanimation // https://fr.sputniknews.com/france/202102021045167132-promesse-non-tenue-pendant-la-pandemie-les-suppressions-de-lits-dhopital-se-poursuivent/
(4) Allocution d’Emmanuel Macron, le 31 mars 2021 https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2021/03/31/adresse-aux-francais-31-mars-2021
(5) https://www.conseil-etat.fr/actualites/actualites/les-restrictions-de-deplacement-des-personnes-vaccinees-sont-justifiees // https://www.francesoir.fr/sites/francesoir/files/memoire_2.pdf
(6) A noter que le cerneau ne comprend pas la négation et que cela impacte également la façon dont nous percevons et interprétons le message. Cerveau et négation
(7) https://stopmanipulation.wordpress.com/2015/04/26/injonctions-paradoxales/
(8) Les faits et les données ne font pas changer les gens d’opinion : https://usbeketrica.com/fr/article/notre-cerveau-pas-fait-pour-penser-long-terme
(9) https://mediazone.zonefr.com/news/barbier-r%C3%A9v%C3%A8le-enfin-le-complot-covid-289
(10) https://www.lesechos.fr/economie-france/social/vaccin-covid-de-larn-messager-en-deuxieme-injection-apres-astrazeneca-1305406 // https://www.lesechos.fr/economie-france/social/covid-loms-ne-recommande-pas-de-changer-de-vaccin-entre-deux-doses-1305633
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