Interview d’Edwin Grimm, formateur et coach spécialisé dans les problématiques de désengagement et de mieux-vivre au travail, par Sophie Herrault – coach en motivation et intelligence émotionnelle et romancière (www.livre.sophieherrault.fr)

Son approche : Remettre l’humain au cœur de la gestion d’entreprise


1. Présentation d’Edwin Grimm

Sophie Herrault : Bonjour à tous ! J’ai rencontré Edwin Grimm il y a quelques années et nos passions communes pour le développement personnel et l’aïkido nous ont rapprochés. Edwin Grimm est spécialisé dans les problématiques de désengagement et de mieux-vivre au travail et les impacts que cela représente financièrement pour l’entreprise. Il a accepté de vous en dire plus dans cette interview.

Sophie Herrault : Peux-tu nous expliquer ton parcours de vie ?

Edwin Grimm : J’ai un cursus universitaire en Sciences Économiques. J’ai travaillé pendant 10 ans dans le secteur de la communication (édition, impression, internet, presse, événementiel, packaging) comme directeur de clientèle. J’ai eu l’opportunité ensuite de travailler pour un groupe international dans l’immobilier d’entreprise comme directeur de centres de profit. En 2009, j’ai eu un accident de moto qui a bousculé mon système valeur et j’ai décidé de quitter Paris pour avoir la vie que je souhaitais. Vivre près de la mer, dans une ville à taille humaine, choisir un travail satisfaisant etc … et créer ma propre activité.

Personnellement, j’ai deux grandes filles avec lesquelles j’ai de super relations (un bon indicateur de réussite pour moi). J’ai toujours fait du sport, du hand-ball pendant 10 ans et je pratique l’Aïkido depuis 2002. Je suis intéressé par toutes les disciplines qui touchent à la psychologie et à la philosophie.

2. Pourquoi vouloir transposer la philosophie de l’aïkido (art martial) au management ?

Des réponses aux problématiques relationnelles

Edwin Grimm : Lorsque j’ai débuté la pratique de l’Aïkido en 2002, j’ai vite fait un parallèle entre ce que je vivais dans mon travail et ce qui se passait sur les tatamis. Les problématiques de la vie professionnelle en particulier relationnelles, la pression, les tensions, trouvaient des solutions dans la pratique de l’Aïkido.

Modifier sa relation aux autres

Edwin Grimm :En quelques mots, les principes pédagogiques et l’approche technique de cet art martial japonais amènent les pratiquants à modifier leurs rapports aux autres et à eux-mêmes. Par exemple, lorsque vous pratiquez avec un partenaire, si l’un ou l’autre refuse de coopérer par ego ou volonté de dominer cela empêche les deux de progresser et cela rend l’échange désagréable voire tendu en tout cas improductif.

Si vous employez la force physique pour réaliser une technique qui ne le nécessite pas, certes vous arrivez à immobiliser votre partenaire ou à le projeter mais vous ne pratiquez pas l’Aïkido dont l’efficacité redoutable réside justement dans l’utilisation quasi nulle de la force – C’est d’ailleurs pour cela que les femmes ont de meilleures prédispositions que les hommes pour apprendre puisqu’elles sont conditionnées depuis toujours à compenser leur « infériorité » musculaire en employant des comportements plus subtiles. Sans parler de la propension des hommes à montrer leurs biceps.

Désapprendre pour apprendre autrement

Edwin Grimm : Il s’agit pour eux de désapprendre pour apprendre autrement – Plus largement, la bienveillance, la disponibilité et la prévenance s’ancrent dans le fonctionnement physique et psychique de chacun tout en améliorant les performances et l’efficacité martiale puisque c’est quand même ce qu’on recherche. En conclusion, lorsque vous prenez conscience que vous pouvez dominer une situation sans opposition, sans force et sans agressivité, vous êtes sur le chemin, le do, de relations apaisées, constructives et efficaces. Et toujours dans une démarche de performance parce qu’il serait faux de penser que l’Aïkido est une gymnastique dénuée d’efficacité combative.

3. Comment les principes philosophiques de l’aïkido peuvent-ils aider les managers ?

Des principes d’harmonie et de paix

Edwin Grimm : Cette discipline n’est pas surnaturelle bien qu’elle étonne par l’apparente facilité qu’elle dégage. Elle est née de la vision d’un homme, Moriheï Ueshiba, qui a fait évoluer des pratiques guerrières en principes d’harmonie et de paix (Aï Ki Do : littéralement, La voie de l’harmonie des énergies).

Une philosophie transposable à l’entreprise

Cette évolution est transférable à l’entreprise car il s’agit en fait de transformer l’approche relationnelle et comportementale des individus pour les rendre meilleurs et plus efficaces. Elle appartient donc à tout le monde et nous en connaissons tous certains principes sans le savoir. Un manager bien formé ou qui a déjà ce caractère, pratique déjà l’Aïkido s’il sait obtenir ce qu’il attend sans se confronter et en tirant le meilleur de ses équipes. Dans ce cas, il peut progresser en approfondissant la maîtrise de ces principes en les conceptualisant et en les transmettant.

Favoriser la bienveillance et le transfert de compétences

Pour les autres, une majorité, l’objectif est de faciliter leurs rapports aux autres mais aussi à eux-mêmes dans le but d’obtenir de meilleurs résultats. La plupart des managers supportent une pression importante et rencontrent des difficultés pour la gérer. Ces difficultés génèrent des tensions qui entravent les relations et par conséquent impactent les résultats de l’entreprise. Favoriser la bienveillance, l’accompagnement, le transfert de compétences sont des outils de développement humains et de performances professionnelles.

4. Comment utilises-tu les principes de cet art martial avec les équipes ?

Edwin Grimm : Je fais comme le senseï, l’enseignant d’Aïkido, j’emploie l’effet miroir, l’observation de situations réelles, l’expérimentation et la correction expliquée. Bien sûr, on ne pratique pas la discipline en entreprises, bien qu’à l’avenir je prévois d’intégrer ce type d’outils. Mais le principe est le même. Montrer, expérimenter et corriger en tenant compte de chaque personnalité.

Cette méthode a pour objectif en premier lieu de convaincre de l’utilité de ces principes qui peuvent paraître simplistes à des gens habitués à fonctionner dans la difficulté, les tensions et les oppositions. La preuve par l’exemple. Comme en Aïkido, seule l’expérimentation physique et psychique permet d’intégrer la technique, la philosophie et de ressentir le besoin de changement. Ce principe est essentiel : prendre conscience par soi-même qu’il y a quelque chose à changer est le meilleur argument et le plus beau cadeau qu’on puisse se faire.

5. Quels sont les effets positifs que tu as pu constater en agissant de cette façon ?

Edwin Grimm : J’ai formé près de 200 personnes. J’ai observé, après l’incrédulité, des prises de conscience que chacun était acteur de son quotidien professionnel et avait le pouvoir de l’améliorer.

J’ai une anecdote dans un grand groupe où des commerciaux avaient des difficultés relationnelles et donc professionnelles avec leurs assistants commerciaux. Il s’avère que ces personnes sont éloignées géographiquement, se connaissent essentiellement par téléphone et parlent uniquement des dossiers qu’ils ont en commun, ce qui occasionne des incompréhensions, parfois des conflits et surtout du stress. Je leur ai conseillé d’organiser un entretien, si possible une rencontre, avec leurs assistants pour parler uniquement de leur relation professionnelle et pas des problèmes techniques de leurs dossiers. Un moment privilégié où chacun peut exprimer ses attentes, décrire ses besoins, se présenter. Très peu l’avait déjà fait auparavant et j’ai vu dans leurs yeux qu’ils voyaient une opportunité d’améliorer leurs relations, leur efficacité professionnelle et en plus avoir des relations agréables avec un interlocuteur quotidien essentiel dans leur travail.

Un autre exemple : J’étais manager dans une grande entreprise et je voyais une de mes collaboratrices malheureuse dans son travail, malgré une façade positive. Elle courait partout avec l’objectif de faire correctement son travail. J’ai observé son comportement pendant quelques temps et je me suis rendu compte que sa responsable se délestait sur elles de nombreuses tâches ingrates. J’ai emmené cette collaboratrice malheureuse déjeuner et je lui ai demandé comment elle vivait son travail. Avant d’avoir aborder le sujet de fond elle s’est mise à pleurer et m’a dit que c’était la première fois qu’on lui posait la question et qu’on lui prêtait attention. J’ai ensuite fait le nécessaire pour que chacun fasse sa part du travail. Son quotidien s’est amélioré et plus tard elle est devenue responsable d’un centre d’affaires. J’espère y être pour quelque chose. Quoiqu’il en soit, c’était mon rôle.

6. Quels sont tes conseils pour les managers qui veulent adhérer à cette vision du management ?

Changer s’apprend !

Edwin Grimm : Qu’à la rencontre d’un blocage, d’un conflit ou d’une frustration, il y a un problème, qu’il n’est pas forcément chez l’autre, et qu’il peut être solutionné. En effet, j’ai beaucoup entendu les gens me dire, « c’est comme ça, on n’y peut rien », « ça ne marchera pas » ou « je n’ai pas à changer ». Changer s’apprend !

Se remettre en cause

Se remettre en cause. Garder l‘esprit du débutant est un grand principe en aïkido dont beaucoup d’Aïkidokas feraient bien de se souvenir. Ce principe montre qu’on peut toujours apprendre des autres y compris d’un pratiquant moins expérimenté et même si on a l’impression de maîtriser sa technique. La collaboration, le partage et le transfert de compétences encore une fois sont des sources de performances invisibles si on n’en prend pas conscience.

Plus vous en savez, moins vous en savez…

Et comprendre que plus on en sait moins on en sait. Une des merveilles de l’Aïkido est que vous apprenez sans arrêt et que vous ne saurez jamais tout. Cela rend le chemin passionnant de savoir qu’on progresse sans arrêt au contact des autres. Cela développe l’envie d’apprendre, l’humilité face au chemin à parcourir et la satisfaction des progrès réalisés.

Pour preuve : J’ai travaillé dans la communication pendant 10 ans, je suis censé être un professionnel expérimenté dans ce domaine. Pourtant en discutant avec mes enfants j’ai pris conscience que les outils de communication avaient évolué de façon spectaculaire. Elles m’apportent aujourd’hui leur expertise en m’expliquant comment les utiliser. Il faut savoir que des entreprises recrutent sur Facebook, qu’Instagram est un outil de développement commercial et que Twitch permet de diffuser des vidéos professionnelles en streaming. J’ai beaucoup à apprendre et cela impacte mon développement commercial !

7. Les prestations d’Edwin Grimm

Agir sur la qualité des relations au travail pour réduire les coûts cachés

Edwin Grimm : La première est de rencontrer les directions d’entreprises et de les convaincre qu’agir sur la qualité des relations de travail a un impact sur le chiffre d’affaires et sur le bien-vivre des salariés. L’adhésion des chefs d’entreprises est primordiale car ils sont à même de comprendre l’intérêt transversal de la démarche et surtout de la déployer largement. C’est d’ailleurs l’enjeu du développement d’edwinorg.com. Concrètement, je réunis le comité de direction. Je donne des informations qu’ils n’ont pas forcément ; des données socio-économiques, des études scientifiques, des exemples réels et je les fais s’interroger sur ce qu’ils pourraient améliorer chez eux et surtout sur ce qu’ils perdent en ne faisant rien. Je m’appuie aussi sur mon expérience du management qui apporte de la crédibilité au discours. Ensuite je leur donne des clés pour faire évoluer leur management en intégrant les comportements dans la chaîne de valeur.

Auditer l’efficience managériale

Pour les managers, je propose d’auditer leur efficience managériale en particulier du point de vue de leurs équipes. Je mets ensuite en place des outils pour les réorienter vers leurs missions principales qui sont de former, d’accompagner et de faire grandir leurs équipes. Aujourd’hui, les impératifs économiques ont tendance à les éloigner de cette mission pourtant primordiale. Le comportement du manager a des répercussions sur la performance économique mais aussi sur la santé des salariés. C’est une responsabilité qui, à mon avis, est sous-estimée.

Un exemple : La direction commerciale d’un grand groupe va chez un de ses très gros clients pour renégocier les contrats annuels. Le commercial qui suit le client au quotidien n’a pas été consulté pour participer à cette renégociation. Sûrement parce que personne n’y voyait d’intérêt. Elle s’est privée d’utiliser tous les éléments de preuve de la valeur ajoutée de leurs prestations pourtant connues de ce commercial. Ces arguments étaient les seuls pouvant contrer les arguments de négociation du client qui sont presque toujours les prix. La négociation s’est donc faite sur les prix et ils ont perdu le contrat. C’est un exemple typique de dysfonctionnement et de coût caché puisque l’entreprise ne fera sûrement jamais le lien entre ces deux événements. Et on parle de centaines de milliers d’euros ! L’entreprise ne mesure pas non plus les conséquences sur l’avenir du commercial qui vient de perdre un énorme client ni sur l’impact psychologique.

Un autre exemple : Un chef des ventes décide d’accompagner un de ses vendeurs chez un client. Pendant le RDV, le chef des ventes prend la parole et essaye de vendre au client des prestations que la direction lui a demandé de mettre en avant. Le RDV n’a pas été préparé, les rôles n’ont pas été distribués et aucun objectif n’a été fixé. Le client n’a rien acheté, a rappelé son commercial en lui disant qu’il n’avait pas du tout apprécié et le commercial pense que son chef des ventes ne sert à rien, voire le dessert. C’est encore une fois un dysfonctionnement relationnel qui aurait été facilement évité et qui prive l’entreprise d’un chiffre d’affaires. Multiplié par une centaine de chefs des ventes…

Rendre les salariés acteurs de leur environnement professionnel

Pour les salariés en général, je propose des formations ou plutôt des coachings. Je les encourage à être acteurs de leur environnement professionnel et d’agir en particulier sur les situations d’inconfort professionnel. Oser exprimer leurs attentes, refuser les situations nocives et participer à l’amélioration de la qualité des relations de travail. J’agis sur les mécanismes de confiance, sur le stress, sur la gestion des conflits et sur la sécurité. Des démarches que la plupart d’entre nous ont ou ont eues du mal à gérer. Je suis mon premier client ! C’est aussi un principe de l’Aïkido : être acteur de sa pratique et non un consommateur qui attend qu’on lui enseigne les techniques.

Sophie Herrault : Comment peut-on te contacter ?

Edwin Grimm : egrimm @ edwinorg.com – 0619416070

Sophie Herrault : Un grand merci, Edwin, pour tes réponses.

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